Il est intéressant de noter qu’en 2007, le Chicago Board of Trade (CBOT), a fusionné avec le Chicago Mercantile Exchange, formant la plus importante entité au monde traitant dans le commerce des produits de base et comptant un large éventail d’instruments spéculatifs (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels, etc.).
Des transactions spéculatives sur le blé, le riz ou le maïs, peuvent se produire sans qu’il y ait de transactions réelles de ces produits. Les institutions, qui actuellement spéculent sur le marché des céréales, ne sont pas nécessairement impliquées dans la vente ou la livraison des grains.
Les transactions peuvent se faire par fonds indiciels qui permettent de parier sur la hausse ou la baisse en général de la variation des prix des marchandises.
Une "option de vente" est un pari que les prix vont baisser, une "option d’achat" est un pari que les prix vont augmenter. Grâce à la manipulation concertée, les opérateurs institutionnels et les institutions financières font augmenter les prix.
Ils placent alors leurs paris sur la hausse du prix d’un produit en particulier. La spéculation génère la volatilité du marché. À son tour, l’instabilité qui en résulte encourage la poursuite de l’activité spéculative.
Les bénéfices sont réalisés lorsque le prix monte. En revanche, si le spéculateur est un short-selling (1), le bénéfice sera réalisé lorsque le prix diminuera. Cette récente flambée spéculative des prix des denrées alimentaires a engendré un processus mondial de création de la famine à une échelle sans précédent.
Ces opérations spéculatives ne devraient pas pouvoir engendrer délibérément la famine. Ce qui cause la famine est l’absence de procédures réglementaires relatives au commerce spéculatif (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels).
Dans le contexte actuel, un gel des transactions spéculatives sur les produits alimentaires de base, décrété par décision politique, contribuerait immédiatement à faire baisser les prix des produits alimentaires. Rien n’empêche que ces opérations soient neutralisées et désamorcées par un ensemble soigneusement élaboré de mesures réglementaires.
Visiblement, ce n’est pas ce qui est proposé par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Le rôle du FMI et de la Banque mondiale La Banque mondiale et le FMI ont présenté un plan d’urgence, afin d’accroître l’agriculture en réponse à la "crise alimentaire."
Cependant, les causes de cette crise ne sont pas prises en compte. Robert B. Zoellick, le président de la Banque mondiale décrit cette initiative comme un "new deal," un plan d’action "pour un accroissement à long terme de la production agricole," qui consiste entre autres à doubler les prêts agricoles pour les agriculteurs africains.
"Nous devons dépenser notre argent en fonction des besoins réels.» (We have to put our money where our mouth is now so we can put food into hungry mouths) (Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, BBC, 2 mai 2008)
La "médecine économique" du FMI et de la Banque mondiale n’est pas la "solution," elle est plutôt en grande partie la "cause" de la famine dans les pays en développement.Plus le FMI et la Banque mondiale prêtent "pour accroître l’agriculture" et plus ils augmenteront les niveaux d’endettement. La "politique de prêts" de la Banque mondiale consiste à accorder des prêts à la condition que les pays se conforment à l’agenda politique néolibérale qui, depuis le début des années 1980, a été propice à l’effondrement de l’agriculture alimentaire locale.
La "stabilisation macro-économique" et les programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale aux pays en développement (comme condition de renégociation de leur dette extérieure) ont conduit à l’appauvrissement de centaines de millions de personnes.
Les dures réalités économiques et sociales derrières les interventions du FMI sont les causes de l’augmentation démesurée des prix des produits alimentaires, des famine au niveau local, des licenciements massifs de travailleurs urbains et de fonctionnaires et de la destruction des programmes sociaux.
Le pouvoir d’achat interne s’est effondré, les cliniques de santé contre la famine et les écoles ont été fermées, des centaines de millions d’enfants ont été privés du droit à l’enseignement primaire.
La déréglementation des marchés céréaliers Depuis les années 1980, les marchés céréaliers ont été déréglementés sous la supervision de la Banque mondiale et des surplus céréaliers des États-Unis et de l’Union européenne ont systématiquement été utilisés pour détruire la paysannerie et pour déstabiliser l’agriculture alimentaire nationale.
À cet égard, les prêts de la Banque mondiale exigent la levée des barrières commerciales sur les importations de produits agricoles de base, conduisant au dumping des surplus céréaliers des États-Unis et de l’Union européenne sur le marché local.
Ces mesures, ainsi ques d’autres mesures, ont mené les producteurs agricoles locaux à la faillite. Un "marché céréalier libre", imposé par le FMI et la Banque mondiale, détruit l’économie paysanne et affaibli la "sécurité alimentaire." Le Malawi et le Zimbabwe étaient auparavant des pays prospères en excédent céréalier, le Rwanda était pratiquement autosuffisant en matière alimentaire jusqu’à 1990, date à laquelle le FMI a ordonné le dumping des excédents céréaliers de l’Union européenne et des États-Unis sur le marché intérieur, précipitant ainsi les petits agriculteurs en faillite.
En 1991-1992, la famine a frappé le Kenya, un pays qui connaissait un succès pour ses surplus céréaliers. Le gouvernement de Nairobi avait précédemment été mis sur une liste noire pour ne pas avoir obéi à des recommandations du FMI.
La déréglementation du marché des céréales a été exigée comme une des conditions pour le rééchelonnement de la dette extérieure de Nairobi avec les créanciers officiels du Club de Paris. (Livre de Michel Chossudovsky, Mondialisation de la pauvreté et le nouvel ordre mondial)
Dans toute l’Afrique, ainsi qu’en Asie du Sud-est et en Amérique latine, le modèle des "ajustements structurels" dans l’agriculture sous la tutelle des institutions de Bretton Woods a servi de manière sans équivoque à la disparition de la sécurité alimentaire.
La dépendance vis-à-vis du marché mondial a été renforcée, entraînant une augmentation des importations de céréales commerciales, ainsi qu’une augmentation de l’afflux "d’aide alimentaire."
Les producteurs agricoles ont été encouragés à abandonner l’agriculture alimentaire et à se convertir dans des cultures de "haute valeur" à des fins d’exportation, souvent au détriment de l’autosuffisance alimentaire.
Les produits de grande valeur ainsi que les cultures à des fins d’exportation ont été soutenus par des prêts de la Banque mondiale. Les famines à l’ère de la mondialisation sont le résultat de ces politiques.
La famine n’est pas la conséquence d’un manque de nourriture, c’est en fait tout le contraire : les surplus alimentaires mondiaux sont utilisés pour déstabiliser la production agricole dans les pays en développement.
Strictement réglementée et contrôlée par l’industrie agroalimentaire internationale, cette offre excédentaire est finalement propice à la stagnation de la production et de la consommation des produits alimentaires de base essentiels et à l’appauvrissement des agriculteurs dans le monde.
En outre, en cette époque de mondialisation, les programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale ont un lien direct sur le processus de développement de la famine, car ils affaiblissent systématiquement toutes les catégories d’activités économiques urbaines ou rurales, qui ne servent pas directement les intérêts du marché mondial.
Les revenus des agriculteurs dans les pays riches et dans les pays pauvres sont réduits par une poignée d’industriels du secteur de l’agroalimentaire mondial qui en même temps contrôlent les marchés des céréales, les intrants agricoles, les semences et la transformation des aliments.
La géante société Cargill Inc avec plus de 140 filiales et sociétés affiliées à travers le monde contrôle une part importante du commerce international des céréales. Depuis les années 1950, Cargill est devenue le principal contractant pour "l’aide alimentaire" des États-Unis financée par la Loi Publique 480 (1954).
L’agriculture mondiale a pour la première fois de l’histoire, la capacité de satisfaire les besoins alimentaires de toute la planète, mais la nature même du marché mondial de ce système ne permet pas que ça se réalise.
La capacité de produire de la nourriture est immense, mais les niveaux de consommation alimentaire restent extrêmement faibles, car une grande partie de la population mondiale vit dans des conditions d’extrême pauvreté et de privation. En outre, le processus de "modernisation" de l’agriculture a conduit à la dépossession des paysans et à l’augmentation du niveau de dégradation des terres et de l’environnement.
Autrement dit, les forces mêmes qui encouragent la production alimentaire mondiale à se développer favorisent également une diminution du niveau de vie et une baisse de la demande de nourriture.
Le traitement choc du FMI Historiquement, les escalades de prix des produits alimentaires au niveau du commerce en détail ont été déclenchées par la dévaluation des monnaies, qui ont toujours été le résultat invariable d’une situation hyper inflationniste.
Par exemple, en août 1990 au Pérou, sur les ordres du FMI, du jour au lendemain le prix du carburant a été multiplié par 30 et le prix du pain a été multiplié par 12 : "Partout dans le tiers-monde, la situation est celle du désespoir social et de la désolation d’une population appauvrie par l’interaction des forces du marché.
Les émeutes contre les programes d’ajustement structurel et les soulèvements populaires sont sauvagement réprimées : À Caracas, en 1989, le président Carlos Andres Perez qui après avoir dénoncé avec éloquence le FMI d’exercer "un totalitarisme économique qui ne tue pas par des balles mais par la famine", a déclaré un état d’urgence et a régulièrement envoyé des unités d’infanterie et des commandos de la marine dans les quartiers pauvres (barrios de ranchos) sur les collines surplombant la capitale. Les émeutes anti-FMI de Caracas ont été déclenchées à la suite d’une augmentation de 200 % du prix du pain.
Hommes, femmes et enfants ont essuyé des tirs sans discernement : "Il a été rapporté que la morgue de Caracas comptait jusqu’à 200 cadavres de personnes tuées dans les trois premiers jours ... et elle a avisé qu’elle était à court de cercueils.
Officieusement plus d’un millier de personnes ont été tuées. Tunis, en janvier 1984 : les émeutes du pain instiguées en grande partie par de jeunes chômeurs pour protester contre la hausse des prix alimentaires.
Au Nigeria en 1989 : les émeutes des étudiants contre les programmes d’ajustement structurel ont entraîné la fermeture de six universités du pays par les Forces armées. Au Maroc, en 1990 : une grève générale et un soulèvement populaire contre les réformes du gouvernement parrainées par le FMI." (Michel Chossudovsky, op cit.) Les semences génétiquement modifiées Coïncidant avec la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, un autre important changement historique a eu lieu dans la structure de l’agriculture mondiale.
Dans le cadre du contrat de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)), les géants de l’agroalimentaire ont une entière liberté d’entrer dans les marchés céréaliers des pays en développement. L’acquisition de "droits de propriété intellectuelle" exclusifs sur les variétés végétales par des intérêts agroindustriels favorise aussi la destruction de la biodiversité.
Agissant au nom d’une poignée de conglomérats de biotechnologie, des semences OGM ont été imposées aux agriculteurs, souvent dans le cadre de «programmes d’aide alimentaire." Par exemple, en Éthiopie des trousses de semences OGM ont été remis aux agriculteurs pauvres afin de rétablir la production agricole à la suite d’une grande sécheresse.
Les semences OGM ont été plantées, donnant une seule récolte. Mais après, les agriculteurs ont réalisé que les semences OGM ne pourraient pas être replantées sans payer de redevances à Monsanto, Arch Daniel Midland et al. Ensuite, les agriculteurs ont découvert que les graines ne pousseraient que s’ils utilisaient les intrants agricoles soit, les engrais, les insecticides et les herbicides qui sont produits et distribués par les entreprises agroalimentaires de biotechnologie.
Toute l’économie paysanne est dorénavant enfermée entre les mains des conglomérats de l’agro-industrie. Avec l’adoption généralisée de semences OGM, une transition majeure a eu lieu dans la structure et dans l’histoire de l’agriculture depuis sa création il y a 10,000 ans.
La reproduction de semences au niveau des villages et chez les producteurs de semences a été perturbée par l’utilisation de semences génétiquement modifiées. Le cycle agricole, qui permet aux agriculteurs de stocker leurs semences biologiques et de les semer pour en tirer la prochaine récolte a été brisé.Ce concept destructeur, produisant invariablement la famine, est reproduit partout, pays après pays, conduisant à la disparition de l’économie paysanne mondiale.
- Citation :
- Michel Chossudovsky est l’auteur du best-seller international The Globalization of Poverty (titre français : "La mondialisation de la pauvreté», éd. Écosociété) qui a été publié en 11 langues. Il est professeur d’économie à l’Université d’Ottawa, Canada, et directeur du Centre de recherche sur la mondialisation. Il collabore également à l’Encyclopaedia Britannica. Son dernier ouvrage est intitulé America`s War on terrorism, 2005. Il est l’auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre (http://www.ecosociete.org/t065.php) et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial). Source : http://www.mondialisation.ca De : casocamardi 27 mai 2008 http://bellaciao.org:80/fr/spip.php?article66691
Source : http://terresacree.org/